La littérature érotique au Moyen-âge

Malgré le poids des interdits de l’Église en matière de désir sexuel, la littérature courtoise n’est pas le seul genre de l’époque médiévale.

La population connaît l’envie, le désir et le plaisir, et certains auteurs n’hésitent pas à lancer un nouveau genre : la littérature érotique, souvent utiliser pour plaire et instruire, même si, pour cela, un langage parfois vulgaire est utilisé. Découvrez quelques extraits des fabliaux les plus célèbres.

L’époque médiévale française s’étend du Vème au XVème siècle. L’Église a un rôle prépondérant dans la société, et règle la vie du peuple. Dans l’imaginaire collectif, le Moyen-âge fait référence aux croisades, à la féodalité, aux seigneurs et à l’art de la guerre ; la Sorbonne se construit, la culture se diffuse, et une nouvelle forme de littérature se développe. La langue romane, ancêtre de notre langue française, naît au IXème siècle. Les gens sont, pour la plupart, illettrés, aussi la littérature se propage oralement ; des jongleurs et des artistes se produisent tous les jours dans un village différent, où ils chantent et racontent des histoires.

Du roman courtois …

Dès le XIème siècle apparaissent les chansons de geste, dont la fameuse Chanson de Roland. Elles racontent les faits historiques et les exploits de pieux chevaliers, en mêlant mythes et légendes.
Parallèlement à cette littérature épique se dessine un nouveau genre : la littérature courtoise. Très populaire jusqu’au XIIIème siècle, le roman courtois exalte les dames à travers de beaux et longs récits de chevaliers, prêts à exécuter moult prouesses pour obtenir les faveurs de leur belle. Dans ces récits, l’amour, l’honneur et les aventures magiques sont omniprésents. Les trouvères et les troubadours voyagent de village en village afin de les raconter. L’un des auteurs les plus célèbres est Chrétien de Troyes, à qui l’on doit la diffusion en France des légendes arthuriennes.

… au fabliau grivois

Ces amours idéalisés n’empêchent nullement l’envie, le désir et la sensualité. Le mot « érotisme » n’existant pas encore au Moyen-âge, il faut bien comprendre que ce terme englobe, pour l’époque, tout ce qui a certes attrait au désir sexuel, à l’envie et au plaisir, mais également à la volupté, la sensualité, ou encore à la vulgarité et l’obscénité. Certains auteurs bravent les interdits de l’Église qui exclut toute notion de plaisir. Ainsi, Guillaume de Poitiers, duc d’Aquitaine, est le premier troubadour du XIème siècle, reconnu par l’Histoire. S’il est réputé pour son style et aussi pour sa séduction, ses fabliaux n’ont plus rien à voir avec le classique récit courtois.

Les fabliaux

Les fabliaux sont des petits récits du Moyen-âge qui racontent de courtes histoires en vers, simples, amusantes, dont le but est de distraire, et parfois d’instruire la jeunesse en éducation sexuelle. Dans un langage souvent grossier, les thèmes des fabliaux tournent autour des aventures libertines de femmes de la bourgeoisie ou de la campagne avec des gens d’Église ; ils mettent aussi largement en avant les attributs masculins.

Quelques passages des plus célèbres fabliaux :

  • Le prêtre voyeu​​​​r de Garin, fabliau du XIIIème siècle.

Et le vilain guettait à la porte et vit tout clairement : le cul de sa femme découvert et le prêtre dessus.

  • Fabliau de Guillaume de Poitiers. La métaphore de l’acte d’amour comme un tournoi de guerrier est assez répandue au Moyen-Âge.

Je les ai tant baisées, si vous voulez l’entendre, cent quatre-vingt-huit fois, à m’en rompre courroies et harnais. Et je ne peux dire le malaise, tant il est grand qui me prit.

  • Le songe des vitsJean Bodel, XIIème siècle. Le vit n’est plus employé dans la langue française. Il signifiait “membre viril” ; ce terme se retrouve dans tous les fabliaux grivois. Jean Bodel a écrit des fabliaux sur la vie sexuelle du peuple, il suffit d’en lire les titres pour en connaître le contenu, et il n’est pas le seul à avoir utilisé des titres évocateurs, car le fabliau grivois est très répandu :
    • Le chevalier qui fit les cons parler, de Jean Bodel.
    • Celle qui fut foutue et défoutue par un serf, de Jean Bodel. ​​

Puis il l’accole étroitement et l’embrasse, et lui baise la bouche tendre ; et le sexe commence à se tendre, qu’elle échauffe et enchante, et dans la paume de la main il lui plante…

…Encore pleine de désir, elle finit par s’endormir et je vous jure sans mensonge, voici le rêve qui lui vint. Elle était à un marché annuel, à nul autre pareil, on n’y vendait que des couilles et des vits. Mais de ceux-ci à foison et partout. Pour trente sous, on en avait un bon, et pour vingt un bien tourné. Il y en avait pour les pauvres gens, de petit état au coït, pour dix sous et même huit, force de regarder partout, elle arriva à un étal où il y en avait un gros et long…

  • Fabliau de l’écureuil, anonyme.

La pucelle tendit sa main et celui-ci tout aussitôt la prit et lui a fait – pas de meilleur morceau – empoigner son vit.

Le Roman de la rose

Plus tard, Le Roman de la rose reste un succès littéraire jusqu’à la Renaissance. Cette œuvre est d’abord écrite par Guillaume de Lorris au début du XIIIème siècle, puis, quelque 40 ans plus tard, Jean de Meun décide d’y ajouter une suite. Ce long poème de plus de 21 000 vers narre un magnifique songe allégorique, dans lequel un jeune garçon est à la recherche d’une rose qui représente la conquête d’une fille aimée, et de la cueillette de cette rose, c’est-à-dire la défloration de la jeune fille.

Les thèmes universels de la vie sont traités : l’amour, la joie, la jalousie, le destin… Alors que la partie de Guillaume de Lorris présente sans doute la forme de roman courtois la plus aboutie, celle de Jean de Meun a une portée beaucoup plus philosophique, et très explicite, sur ces mêmes thèmes.

Extrait du Roman de la rose dans lequel l’Amant reproche à Raison son franc parlé :

L’amant : En outre, je vous tiens pour courtoise puisque vous avez tout à l’heure prononcé le mot « couille » qui n’est pas très recommandé dans la bouche d’une jeune fille.
Raison : « Couilles » est un beau nom, je l’aime ainsi, comme aussi, vraiment, couillon et vit ; jamais personne n’en vit guère de plus beaux. Je fis les mots et je suis certaine que je ne fis pas chose vilaine ; Dieu aussi, qui est sage et qui sait, tient ce que je fis pour bien fait. Comment, par le corps de Saint-Omer, n’oserais-je point nommer proprement les œuvres de mon père ?

L’œuvre, conservée à la BNF (Bibliothèque Nationale de France), dévoile des enluminures pour le moins érotiques, dont de nombreux arbres à phallus. Des recueils de fabliaux érotiques d’auteurs inconnus sont conservés à la BNF.

Ces récits témoignent d’une conception de la sexualité en total désaccord avec les obligations dictées par l’Église. Ils représentent un intérêt considérable pour l’étude du Moyen-âge à travers la littérature.
Plus tard, de célèbres auteurs ont été influencés par les fabliaux. C’est notamment le cas pour Jean de La Fontaine, qui est plus connu pour ses fables que pour ces récits érotiques de son recueil Contes. Molière trouvera dans le fabliau Le vilain mire l’inspiration pour Le médecin malgré lui.

Nicolas Gaillon

Nicolas Gaillon

Nicolas est un passionné de l'informatique et de la technologie. Il a développé sa première application web à l'âge de 16 ans. Après avoir obtenu un diplôme en informatique et en marketing digital, il a décidé de créer son propre site internet. En 2013, Nicolas a créé bestof-rencontre.fr, un site comparatif des sites et applications de rencontre...

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