Selon l’étude de trafic d’Alexa Internet, Pornhub se situait en mai 2009 à la 50e place des sites les plus fréquentés au monde (la plus grand partie des visiteurs provenant des États-Unis). Fort logiquement ses contenus comme ceux de ses concurrents sont définis en fonction des désirs de leurs principaux clients, les hommes américains. La page d’accueil annonce fièrement « Serving over 9 Million “satisfied” people a day! ».
Onanisme et incrédulité
C’est effrayant. Édifiant pour quiconque doute du fait que l’américain n’est pas un Anglais manquant de tact, ou un simple européen amnésique. On fait défiler les “catégories”. Lesbiennes, on valide. Ménage à trois, plutôt deux fois qu’une, merci. Fellation, ok. Suivent un tas de perversions peu ragoutantes, mais concevables. Et soudain, une rubrique: “Interracial sex”. En Français, “sexe interracial”, ou “sexe entre races”. Et oui, aux États-Unis, c’est une perversion. A ne pas confondre avec une quelconque attirance pour l’altérité ou l’exotisme (pour les asiatiques, il n’y a pas marqué “interracial”, mais simplement “asian”). Non, c’est le mot “interracial”, figurant à lui seul la transgression, qui focalise l’attention libidineuse du jeune mâle américain.
Le sexe interracial, hit de la libido américaine
Précisons que le “sexe interracial” désigne ici les scènes de sexe entre un (ou des…) homme(s) noir(s) et une (ou des) femme(s) blanche(s). Les vidéos montrant un (ou des) hommes blanc(s) avec (sur?) une (ou des) femme(s) noire(s) ne sont pas classées dans cette catégorie. Cette focalisation libidineuse sur la race n’épargne pour autant aucune “communauté” (on comprend alors que le mot communauté est un cache sexe du mot race, et qu’une société communautariste, n’est qu’une société raciste régie par un État de Droit). Au détour d’un clic, je croise des expressions comme “white bitch”, “white slut” ou encore “white slave”…
Esclaves blanches
Esclave blanche. On touche au cœur du problème. Au nœud, si j’osais. Bien que cela blesse nos amies féministes, la libido creuse immanquablement son lit dans les sales draps de l’inégalité, de la domination, subtile ou non, induite, tacite, directe ou indirecte. De La Philosophie dans le boudoir de Sade à la préface d’Histoire d’ô écrite par Jean Paulhan , on n’y coupe pas. En 1954, Paulhan s’émerveillait donc du courage de Pauline Réage: « Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu’aujourd’hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu’elles ne cessent pas d’obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu’à l’esprit. Qu’il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu’elles ont simplement besoin d’un bon maître, et qui se défie de sa bonté… »
Désir et soumission
Le cœur du problème donc, c’est cette libido qui n’obéit pas aux conventions, qui va se loger dans les endroits les plus sombres, les plus tabous, les plus cachés. Cette libido, que l’on ne matte pas, que l’on ne tue pas: élire un président noir n’y a pas suffit. Non, des siècles d’esclavage et de ségrégation, de complexe de supériorité, d’animalisation du noir d’un côté, d’humiliation et d’intériorisation de la domination de l’autre ont imprégné les psychés collectives. Ces sentiments affreux, laids, cette main du maître sur les fesses de la jeune esclave, ce regard oblique de l’esclave sur la maîtresse, ces jeux vils et honteux se perpétuent en 2012 dans les coins humides et coupables de l’âme américaine. Et l’on comprend enfin pourquoi la transgression “interraciale”, c’est d’abord l’homme noir et la femme blanche: c’est l’esclave et la maîtresse. Dans l’autre sens, pas de transgression, la libido n’est pas piquée. Après tout, le maître blanc n’a t-il pas tous les droits sur ses esclaves? Même de le tuer laisse suggérer la récente affaire Trayvon Martin…
Mitterrand, ce Talleyrand
C’est pourtant ce pays névrosé par le racisme qui depuis 60 ans, mène une guerre culturelle aux vieilles cultures européennes. Cet État, né de l’esclavage, vient aujourd’hui jusque dans nos quartiers nous donner des leçons de vivre ensemble. Souvenons nous ici de la confidence de François Mitterrand sur son lit de mort: “La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre contre les États-Unis. Une guerre permanente, économique, une guerre sans morts. […] Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans morts apparemment, et pourtant une guerre à mort.”